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mardi 2 février 2016

Avoir une maladie rare, c'est...

Petit rappel des faits : grande M. est atteinte d’hyperplasie congénitale des surrénales, communément appelée HCS. Il s’agit d’une maladie rare, qui existe en plusieurs variantes selon l’état de dysfonctionnement des glandes surrénales. En résumé, grande M. produit trop d’androgènes (hormones de croissance et de développement masculines) et trop peu de cortisol (hormone de stress). L’excès d’androgènes fait en sorte que sa puberté a commencé à l’âge de 5 ans et que son âge osseux est deux ans plus vieux que son âge réel. Le faible taux de cortisol, quant à lui, empêche son corps de réagir adéquatement au stress causé par les maladies, principalement en cas de fièvre et de gastro-entérite. Son corps, ne pouvant pas « bio-chimiquement » bien réagir en cas de virus, peut rapidement tomber en état de choc qui nécessite une hospitalisation d’urgence. Ça nous est arrivé seulement deux fois, heureusement, mais c’est paniquant en titi!

Afin de rétablir l’équilibre hormonal de grande M., elle doit prendre de la cortisone, qui vise à remplacer le cortisol qu’elle ne produit pas naturellement et qui freine (ou du moins diminue) la production excessive d’androgènes et donc ralentit sa croissance trop rapide et sa puberté hâtive. Elle prend sa médication deux fois par jour depuis ses 5 ans, et nous devons ajuster sa dose de médicaments selon le degré de fièvre qu’elle fait lorsqu’elle est malade. Si elle a des vomissements et ne peut prendre sa médication par la bouche, nous devons lui donner sa médication en intraveineuse de façon urgente et l’emmener à l’hôpital.


Avoir une maladie rare, c’est… Accepter le flou. Devoir faire confiance aux médecins, même quand eux-mêmes admettent ne pas savoir exactement quoi faire. Être confus quand plusieurs spécialistes chevronnés se contredisent. Comprendre que l’essai-erreur sera la seule façon de trouver le bon traitement, faute de protocole clair.

C’est, en tout cas, ce que je retiens de notre dernière visite à l’hôpital pour le suivi en endocrinologie de grande M. Comme à chaque fois, nous avons d’abord vu un sympathique résident qui a fait l’examen de grande M. et nous a posé mille questions sur son état de santé, son développement, etc.

Sympathique résident, à la fin de la rencontre : « Alors, tout semble beau, je vous renouvelle la prescription de cortisone et on continue comme ça. »

Moi : « Maintenant qu’elle a onze ans et que sa puberté est bien entamée, est-ce que ça change quelque chose au niveau de sa médication? Le médecin que nous avons vu la dernière fois semblait dire qu’on pourrait peut-être l’arrêter éventuellement, mais un autre nous a dit que non. »

Sympathique résident : « Techniquement, la médication est à vie. Ses glandes surrénales sont défectueuses et le seront pour toujours. Mais je peux vérifier avec mon patron. »

Moi : « D’accord. C’est juste par curiosité, parce que j’entends des avis divergents et j’aimerais bien savoir à quoi nous attendre. »

Le résident quitte et va chercher un médecin que nous connaissons bien, très sympathique et extrêmement expérimenté.

Docteur expérimenté : « Alors, mon sympathique résident m’a dit que vous vous questionniez sur la suite du traitement pour grande M. »

Moi : « Oui, les différents médecins que nous avons vus nous ont donné des informations divergentes, et sur les forums de discussion sur l’HCS, les gens ont toutes sortes de traitements différents pour la même maladie. J’étais juste curieuse de savoir vers quoi on s’en va pour grande M. »

Docteur expérimenté, visiblement passionné : « Vous savez, l’HCS est une maladie rare et peu étudiée. C’est donc vraiment du cas par cas. On ne sait pas vraiment ce qui arrivera si on cesse la médication de grande M., mais une fois sa puberté et sa croissance terminée, ce serait intéressant d’essayer de l'arrêter si elle le souhaite. Il est possible que ses glandes surrénales, une fois cette période hormonale intense terminée, soient capable de compenser pour le déficit en cortisol. Sauf, bien sûr, en cas de maladie, où il faudrait peut-être qu’elle prenne des médicaments. »

Sympathique résident, aussi étonné que moi : « Ah oui? On nous a toujours dit, à l’école, que la médication devait être poursuivie. »

Docteur expérimenté : « Oui, mais (blablabla, jargon incompréhensible de médecins, tandis que grande M. et moi nous regardons avec de grands yeux). »

Sympathique résident, se tournant vers moi : « Vous m’aviez dit que vous aviez eu des opinions médicales divergentes, c’est encore le cas aujourd’hui! »

Moi : « Oui, en effet! »

Docteur expérimenté : « En France, ils sont beaucoup plus interventionnistes qu’ici et médicamentent systématiquement. Ici, au Québec, nous avons tendance à donner le moins de médication possible pour cette maladie. Je suis d’avis que dans le cas de grande M., il pourra être intéressant de cesser la médication, juste pour voir si son corps réagira bien. Bien entendu, si éventuellement ses règles stoppent ou qu’elle a des problèmes de fertilité, il faudra reconsidérer la chose. Qu’en penses-tu, grande M.? »

Grande M., complètement confuse : « … »

Moi : « Il va falloir y penser. C’est un peu mélangeant, tout ça. »

Docteur expérimenté : « Elle a onze ans. Je vous propose qu’on en reparle quand elle aura 14 ans. À ce moment, peut-être que d’autres études auront été faites et que de nouvelles connaissances auront changé la donne. De plus, ce n’est pas avant cet âge-là que sa croissance et sa puberté seront stables. Et à 14 ans, elle aura l’âge légal de prendre la décision concernant son traitement. Qu’en dites-vous? »

Nous avons acquiescé. Donc, d’ici à ce qu’elle ait 14 ans, elle continue de prendre ses médicaments quotidiennement. Ensuite, on verra.


On verra. Combien de fois me suis-je dit ça, concernant ma grande M., mon enfant boite à surprise qui ne fait rien comme les autres?

3 commentaires:

  1. On verra, oui, on verra. Avec un enfant différent, c'est souvent la meilleure attitude que de prendre les choses un jour à la fois. Mais tu restes vigilante et tu poses les bonnes questions, bravo! Le meilleur avocat de ton enfant et la personne qui la connaît le mieux (avec son père!), c'est toi!

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    1. Pas toujours facile, de prendre les choses un jour à la fois! J'aimerais bien savoir ce qui l'attend et avoir des réponses un peu plus précises. Mais bon, on verra! ;-)

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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