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vendredi 9 octobre 2015

Petit moment de panique

Un soir, en s’en allant prendre son bain, grand A. me lance : « Maman, je pense que ce n’était pas une bonne idée que je fasse l’école à la maison. Je suis vraiment en retard sur les autres de ma classe ! »

Moment de panique intérieur. Mon cœur s’arrête de battre, mes pensées s’emballent. Oh mon Dieu, qu’aie-je donc fait! J’ai échoué dans mon rôle de parent-éducateur, ma décision de le scolariser à la maison était une erreur et j’ai nui à mon enfant. Il est en retard à l’école, en difficulté, à cause de moi! Merde, merde, merde!

Je dois rester calme, je respire. Calmement, j’entame la discussion avec grand A. pour bien comprendre ce qu’il essaie de me dire.

Moi : « Tu as l’impression que tu es en retard sur les autres? Qu’est-ce qui te fait penser ça? »

A : « Ben, c’est à cause que je ne sais pas jouer de flûte à bec! Dans le cours de musique, je suis vraiment poche! »

Ah. Bon. Il est vraiment en retard à cause de la flûte à bec. Ok, je me calme et je respire. Je ne crois pas que son avenir scolaire et professionnel soit en jeu à cause de la flûte à bec.

Moi : « C’est vrai qu’on n’a pas fait de flûte à bec quand tu faisais l’école à la maison. Mais ton prof de musique t’a donné des exercices à faire pour apprendre les notes, et quand on les a faits ensemble, ça allait plutôt bien, non? »

A : « Oui, je sais mes notes maintenant, mais je ne joue pas aussi vite que les autres »

Moi : « Je te rappelle qu’on est seulement au mois d’octobre! Les autres font de la flûte à bec depuis deux ans, et toi, depuis un mois à peine! Et tu sais déjà tes notes, c’est super! La vitesse viendra, sois patient. Est-ce que tu te sens en retard à cause d’autre chose? »

A : « En anglais écrit, je suis poche. »

Moi : « C’est vrai qu’on a plus travaillé l’anglais oral… On va se pratiquer à l’écrit et ça ira mieux, tu vas voir. Dans les autres matières, comment ça va? En univers social? »

A : « Fastoche! »

Moi : « Sciences? »

A : « Faf! »

Moi : « Maths? »

A : « Super! »

Moi : « Français? »

A : « Français écrit, j’aime pas ça et je ne suis pas super bon »

Moi : « Tu n’as jamais aimé ça et ça n’a jamais été ta force non plus, non? On ne peut pas être bon dans tout! Mais en lecture? »

A : « Bébé fafa! »

Moi : « Donc, tu me dis que tu es vraiment en retard à l’école à cause de la flûte à bec et de l’anglais écrit, c’est ça? »

A : « Ouin… c’est peut-être pas si pire que ça… »

Moi : « Tu es encore en adaptation et on est juste au début de l’année scolaire. Laisse-toi une petite chance! Ton professeur m’a dit que ça allait bien et qu’il n’était pas inquiet pour toi. On va pratiquer l’anglais écrit et ta flûte, si tu veux. »

A : « Ok! C’est vrai que je suis quand même bon dans les autres matières. Je ne suis pas vraiment si en retard que ça, finalement… »

Ouf, quel soulagement! Il n’y a rien de tel que de relativiser, parfois, pour remettre les choses en perspective.

Au cours de ses trois années de scolarisation à domicile, il ne pouvait se comparer à personne. Il apprenait bien, à son rythme, sans avoir le stress et la pression de devoir suivre le groupe. Il ne pouvait jamais savoir s’il était le premier ou le dernier à avoir effectué son travail. Il ne savait pas s’il était « bon » ou « moins bon » que les autres, puisqu’il n’était comparé qu’à lui-même.

Sa plus grosse adaptation, à l’école, c’est ça : gérer la pression de performance inhérente au milieu scolaire. Il déteste être plus lent que les autres en musique. Il n’a pas aimé être le dernier de la classe à terminer son travail écrit d’anglais.

C’est d’ailleurs sur ça qu’il a mis l’accent, au point de s’en faire, de regretter ses années d’école maison et même d’oublier que ça allait bien dans toutes les autres matières.  Ça m’attriste et me confronte à la fois, puisque je souffre d’une grande anxiété de performance moi-même et j’ai bien du mal à m’en défaire. La preuve : quand grand A. m’a dit qu’il se sentait en retard à l’école, je l’ai automatiquement perçu comme un échec de ma part!

Grand A. doit apprendre à se faire confiance et à ne pas trop se soucier de ce que les autres font, de leurs notes et de leur rythme. Chacun apprend à sa façon et personne n’est bon dans tout.


Quant à moi, je dois aussi apprendre à moins m’en faire et à me faire confiance en tant que parent-éducateur. Parce que finalement, cette fois, j’ai totalement paniqué… à cause d’une flûte à bec!

2 commentaires:

  1. Surtout que ça sert TELLEMENT à quelque chose pour notre futur d'apprendre à jouer de la flûte à bec! (je chiale là, mais j'adorais jouer de la flûte à bec au primaire...)

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    1. Moi aussi, j'adorais jouer de la flûte! Dans le fond, je comprends très bien qu'il n'aime pas être le seul de sa classe à ne pas savoir jouer de la flûte. À cet âge, personne n'aime être "le seul" à faire quoi que ce soit. Ils veulent faire partie de la gang et être comme les autres... c'est normal! Alors, j'ai acheté une flûte qui reste à la maison et je l'aide à pratiquer. C'est fou combien je me rappelle comment jouer, même si je n'ai pas fait de flûte depuis le primaire! Je ne pensais pas dire ça un jour, mais la flûte à bec, c'est comme la bicyclette : une fois que tu sais en jouer, tu n'oublies plus!

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